Ils vont y être, ils nous attendent...


C’est avant de commencer la saison, avant de monter ses brebis, que René Ousset, nous a parlé de son expérience :

« Nous on a des problèmes avec les ours. Je fais ce métier depuis toujours, depuis au moins 50 ans, c’était plus facile à l’époque que maintenant, on ne peut plus y monter comme ça, il faut y être chaque jour. Quand je monte chaque dimanche [voir le berger] la première chose que je demande c’est « est-ce que l’ours est passé ? ».

 

L’an dernier, il en manquait 76 sur les estives d’Estremaille et de l’Isard. La montagne, c’est grand on ne peut jamais les trouver toutes. Il y a 3 ans, il y a eu des attaques chaque soir, un soir il en a tué deux à moi et d’autres à un collègue. Il avait mangé que le pis de l’une et l’autre il l’a tuée, elles étaient à 2 mètres l’une de l’autre, comme si elles n’avaient pas été effrayées. Il manquait un bélier aussi. Je ne l’ai pas retrouvé, je ne l’ai pas vu mort, mais j’ai donné le numéro de la médaille. C’était l’hécatombe, chaque soir il revenait.

 

Quand ils viennent expertiser ils ont le pétard là [René montre la poche de son pantalon]. L’année dernière ils m’en ont remboursé 3, il en manquait 8. A un moment donné ils disaient que toutes les bêtes manquantes ils allaient les rembourser parce qu’on est dans une zone à ours, mais non.

 

Au niveau des pertes ils ne comptabilisent que celles qui sont expertisées. En fin d’année, ils payent celles qui ont été déclarées « au bénéfice du doute » s’il reste des sous.

 

Mais il faut les trouver.

 

Une année il n’y a pas eu beaucoup d’expertise parce qu’on ne les trouvait pas.

Les brebis auxquelles on est attaché manquent à la redescente, il y en avait une qui me suivait tout le temps, que je caressais, c’est la première qui y est passée, il lui a mangé le pis, on la redescendue, ils sont venus l’expertiser une semaine après, ils ont dit « vous auriez du la tuer » je leur ai dit « mais si je l’avais fait vous auriez dit c’est un accident… ». Ils sont montés, ils se sont promenés et ils ont trouvé étonnant que l’ours soit venu parce qu’ils n’ont pas vu d’empreintes (c’était sec…) « vous êtes dans une zone à ours, il faudra vous y faire », il y en a un qui faisait des théories. Lui, il a le pétard là [René montre la poche de son pantalon] pour se défendre, et après ils veulent donner des leçons à tous, des théories. Ils n’ont que ça dans la tête de nous faire parquer les brebis, on ne monte pas les brebis à la montagne pour les faire parquer. Ils nous ont monté les filets mais j’ai dit au berger de dire qu’ils pouvaient les remporter. Parquer les brebis, ça change complètement la façon d’aller sur les estives, c’est comme si elles étaient ici [sur l’exploitation, dans la vallée], s’il faut en arriver là…

 

Il faut parquer les brebis et laisser l’ours en liberté, c’est le contraire qu’il faudrait faire, s’ils veulent faire un parc de vision pour les touristes pas de problèmes, la montagne est grande.

 

Ils en ont de l’argent, des filets…

 

Il y aura de plus en plus de problème parce qu’il y a de plus en plus d’ours. Et les touristes qui demandent « l’ours où il est ? » parce qu’ils veulent se promener en montagne mais ils en ont peur, ils veulent qu’il y soit mais pas le rencontrer.

 

Ils vont y être, ils nous attendent [les ours] ».



06 juin 2016